Vous le (re)découvrirez dans la seconde partie, aucun changement ambitieux ne peut sereinement voir le jour au sein d’une équipe sans confiance. La confiance est une posture qui s’oppose au contrôle et qui se traduit à la fois dans l’organisation du travail et dans la façon dont les individus sont en relation les uns avec les autres.
Des relations authentiques supposent que chacun puisse exprimer qui il est de manière sincère et engagée.
De ce fait, lorsque plusieurs personnes mutualisent leurs connaissances et compétences pour les mettre au service d’un projet commun, l’une des premières questions à considérer avec attention est celle de l’adhésion : ont-elles choisi de le faire et à quel degré ?
Les cofondateurs d’une entreprise ne sont pas engagés de la même façon que les personnes qui rejoignent un projet après-coup en tant que volontaire ou bénévole, ni de la même façon encore qu’un employé qui répondrait à une offre d’emploi pour intégrer l’organisation.
Comment prendre en compte ces différences et favoriser l’engagement de tous ?
Quel cadre de travail mettre en place pour que la confiance soit de mise et que l’authenticité imprègne les relations ?
- Comprendre le phénomène de résistance au changement
Le besoin d’autonomie est inscrit en chacun de nous : décider pour soi-même, se faire sa propre opinion, élaborer une pensée personnelle et déployer son esprit critique en se basant sur son expérience. Bien souvent, nous ne résistons pas au changement, mais au fait qu’un autre veuille nous faire changer.
Le phénomène de résistance au changement est souvent appréhendé comme correspondant à une peur irrationnelle de sortir de sa zone de confort. Nous avons parfois du mal à envisager que les causes de résistance puissent être raisonnables, légitimes et productives.
Dans le cadre professionnel, je vous invite à repenser aux changements contre lesquels vous avez opposé votre résistance. S’agissait-il de changements que vous aviez contribué à choisir ? Aviez-vous été sollicité pour réfléchir à leur nécessité ? Aviez-vous contribué à en penser les moyens de mise en oeuvre ?
Nous entendons souvent dire au sein des organisations que les personnels ne seraient pas suffisamment motivés et engagés, et qu’ils se comporteraient comme des exécutants.
Nous aimerions savoir comment ces mêmes personnels sont traités au sein de ces organisations : sont-ils associés aux décisions prises qui ont un impact sur leurs conditions de travail ? Ont-ils la possibilité de faire valoir leur expertise dans le(s) domaine(s) qui les concerne(nt) directement ?
Nous avons tendance à nous comporter comme des exécutants quand nous sommes traités comme tels.
Il demeure néanmoins que nous ne sommes pas tous équipés de manière égale pour oser prendre des initiatives (confiance en soi), formuler à voix haute une opinion personnelle (prise de parole en public) et déployer notre esprit critique pour argumenter nos choix (analyse critique).
Pourtant, toutes ces facultés s’apprennent.
Et nous sommes convaincues qu’un environnement facilitant permet, avec le temps, de renforcer l’autonomie de chacun et son engagement au service d’un projet lorsqu’il fait sens. La question est de savoir quels sont les outils utilisés et les espaces de travail consacrés à ce travail d’apprentissage en commun.
2. Construire des relations de confiance
Quelles sont les actions concrètes mises en place au sein de votre organisation pour construire des relations de confiance entre les membres de l’équipe ?
Nous vivons dans un environnement qui a la particularité d’être incertain. Nous avons beau planifier, anticiper et formaliser toutes les tâches à accomplir au maximum de nos possibilités, l’incertitude demeure. Nous devons apprendre à nous réajuster sans cesse, individuellement, mais également collectivement.
Ceux qui travaillent dans des structures bureaucratiques, au sein desquelles de nombreuses règles et procédures régentent les relations professionnelles de manière rigide et impersonnelle, savent combien l’inertie du système limite la flexibilité des réponses apportées aux imprévus.
Par exemple, vous aimeriez participer à un événement dont le contenu aurait beaucoup d’intérêt pour vous, compte tenu de votre mission, mais le temps d’obtenir une invitation officielle pour faire établir l’ordre de mission qui permettrait à vos frais de déplacement d’être pris en charge, la date est dépassée.
Certaines initiatives doivent être prises hors des lignes et des cadres officiels. Il faut se départir de ce qui a été prévu, prendre le risque de se tromper ou de ne pas être à la hauteur de l’idéal que l’on se fixe parfois, pour s’engager dans des voies nouvelles et innovantes. Mais pour cela, il faut se sentir soutenu et suffisamment en sécurité : avoir confiance en soi pour oser se tromper.
Du fait de nos histoires, de nos expériences et de notre personnalité, nous sommes chacun dotés d’un sentiment d’estime de soi et d’une confiance en nous-mêmes variables. Pour autant, les milieux sociaux et professionnels dans lesquels nous évoluons jouent un grand rôle pour les fragiliser ou les renforcer.
Si un collectif choisit, en conscience, de mettre en place des actions concrètes pour prendre soin des besoins de confiance et d’estime de ses membres, des relations authentiques aura beaucoup plus de chance de se déployer.
3. (Re)construire les fondations d’un projet commun
Pour que les membres d’un collectif ne se comportent pas comme des exécutants (passifs, inflexibles, résistants), il faut que chacun puisse être associé à la construction du projet commun. Nous développons cette idée dans la série d’articles consacrée à ce thème.
Nous utiliserons la notion de “raison d’être” pour désigner le but poursuivi par le collectif : pour quelle raison sommes-nous rassemblés ? Au service de quelle cause, de quelles valeurs, de quel projet mettons-nous nos énergies et notre force en commun ?
Les fondateurs d’une entreprise, d’une association ou d’une équipe se mettent d’accord sur le projet qu’ils souhaitent poursuivre ensemble et sur la raison pour laquelle ils souhaitent le conduire. Qu’en est-il de ceux qui rejoindront le projet après sa fondation ? Pourront-ils le nourrir, l’enrichir, l’infléchir ou le transformer ? Un moyen ou une instance sera-t-elle prévue pour le faire ?
Là encore, est-il inscrit dans les valeurs de votre collectif que l’organisation est susceptible d’être modifiée par les membres qui l’intègrent, ou les fondateurs resteront-ils inflexibles concernant leurs choix de départ ? Attendent-ils que leurs nouveaux collaborateurs “se conforment et exécutent” ou qu’ils “enrichissent et transforment” ?
Quels espaces et moyens sont alors consacrés à ce travail de transformation continue ?
Dans le cadre du podcast Vécus (conçu par l’association Ticket for Change), Léa Thomassin, cofondatrice de l’association HelloAsso (un moyen de paiement des associations sur Internet qui compte aujourd’hui 70 salariés) évoque la difficulté d’accueillir rapidement de nouveaux employés pour les fondateurs d’une organisation.
Lorsque l’ensemble des collaborateurs ont été sollicités pour formaliser les valeurs sur lesquelles se fonde le travail au sein de l’entreprise, elle raconte qu’une valeur essentielle pour elle, et à l’origine de son engagement, n’avait pas été retenue. En tant que directrice générale, ce renoncement a été difficile. Il lui a néanmoins permis d’ancrer un principe qui se révélait encore plus fondamental : chaque membre de l’entreprise pouvait contribuer de sa place à la formulation de sa raison d’être. Les valeurs devaient être portées et incarnées par l’ensemble des salariés, et non uniquement par les cofondateurs.
4. Permettre aux conflits de se déployer
Parfois, nous avons tendance à considérer les conflits comme des signes de mauvaise santé des relations au sein d’une équipe. Si des désaccords émergent et que des forces contraires s’opposent, c’est que la survie du groupe est possiblement en jeu.
Et si nous apprenions à accueillir les conflits comme des opportunités plutôt que comme des oiseaux de mauvaise augure ? C’est le sujet de notre série d’articles sur “la gestion des conflits interpersonnels”.
Au sein d’un groupe, les conflits peuvent opposer deux personnes : peuvent-elles continuer à travailler ensemble au-delà de leurs différends ?
Existe-t-il au sein de votre organisation des instances de régulation de ce type de conflit ? Est-il simple d’y avoir recours ? Jouent-elles leur rôle de manière efficace ? Permettent-elles de restaurer la confiance entre les personnes qui l’investissent et participent-elles à maintenir ou restaurer un climat de travail serein et apaisé pour tous ?
Les conflits peuvent également opposer des idées et des points de vue concernant le travail à effectuer : la définition et la distribution des rôles, les décisions prises, les tâches à effectuer, etc. Où, quand et par qui ces différends sont-il régulés ?
Faites-vous partie d’une organisation à la structure pyramidale dans laquelle chaque difficulté est arbitrée par le chef ou supérieur hiérarchique, d’une organisation collégiale ou chaque décision (ou conflit) est arbitrée à la majorité des voix ou d’une organisation qui intègre à son fonctionnement des modes de régulation transversaux (réunion de gouvernance, instance de régulation des conflits, gestion par consentement…) où chaque membre du collectif peut éventuellement jouer un rôle dans les prises de décision ?
Ces questions seront traitées dans le cadre d’articles spécifiques dans la deuxième partie.
5. Permettre à chacun d’exprimer qui il est, sans pour autant que cela prenne le pas sur le projet commun
Permettre à des relations authentiques de se déployer au sein d’une équipe augmente l’efficacité du travail mené. Etre pleinement soi-même et aligner qui l’on est avec ce que l’on pense et ce que l’on fait dans le cadre professionnel a un impact puissant sur le sentiment d’estime de soi et la confiance en ses capacités.
Le fait de partager qui l’on est avec ses collègues et de pouvoir découvrir les autres dans un climat de sincérité et de respect mutuels, garanti par des modes de régulation des conflits adaptés, favorise également des liens de confiance qui permettent de s’adapter aux aléas du quotidien et de relever les défis ambitieux qui constitue l’ADN du projet mené en commun.
Favoriser des liens authentiques au sein d’un collectif devrait constituer une fin en soi pour toutes les organisations. L’être humain est un animal social qui a besoin d’appartenir à un groupe dans lequel il se sent en sécurité, dans lequel il se sent reconnu et dont le projet comble son besoin individuel d’accomplissement.
Pour autant, le développement personnel et le bien-être de ses membres ne constituent pas les seules raisons d’être d’un collectif, dès lors que le groupe a choisi de mettre son énergie au service de la résolution d’un problème qui le dépasse. Il est donc essentiel de permettre à chacun de trouver sa place, tout en répondant efficacement aux défis que l’équipe a choisi de relever.
La question est alors la suivante : comment faire converger efficacement les besoins, les talents et les aspirations individuels ? Comment tenir compte des besoins des individus, tout en ne sacrifiant pas les besoins du projet commun ?
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